Quand les experts comptables deviennent des chevaux de Troyes pour certains éditeurs…

“Beaucoup d’éditeurs comprennent que se positionner auprès de notre profession est un moyen de gagner rapidement des parts de marché. Les experts-comptables, qui entretiennent des liens privilégiés avec un nombre considérable d’entreprises, et avec leurs dirigeants, se transforment à leurs dépens en commerciaux pour les éditeurs” déclare Hervé Puteaux.

“Certains éditeurs approchent les cabinets au départ en tant que partenaires. Mais, en réalité, ils créent un produit qui leur permet de devenir nos concurrents directs” identifie Jean Pascal Wanlin.

Conscients de cela, certains éditeurs tendent à se positionner pour ne pas concurrencer les cabinets comptables, mais sans que ces engagements ne soient réellement contraignants pour eux. “Il n’y a rien de contractuel” s’empressent d’ailleurs de noter nos deux interlocuteurs.

Le modèle SaaS à fait évoluer le marché

“Historiquement, les éditeurs proposaient des solutions exclusivement destinées aux experts comptables et se posaient en partenaires de la profession” précise en préambule Hervé Puteaux.

Les premiers changements sont allés de pair avec les évolutions technologiques. Les éditeurs de solutions logicielles proposent désormais des outils en mode SaaS, ce qui a contribué à les démocratiser, et faciliter leur utilisation.

Pour Jean Pascal Wanlin, le marché a changé. “Avant nous avions des outils mis à disposition par un prestataire externe, qui en assurait le suivi et la maintenance. Il n’était pas possible pour eux de les déployer aussi facilement qu’aujourd’hui chez nos clients”.

"Cette profusion d’outils disponibles est aussi le marqueur d’une tendance forte : celle d’un transfert de compétences qui se fait au détriment des cabinets comptables. Les activités à faible valeur ajoutée, comme la tenue comptable, sont sans doute vouées à disparaître au sein des cabinets” admettent nos deux interlocuteurs.

Enfin, Jean Pascal Wanlin évoque un autre point qui lui paraît essentiel. “Les outils full web demandent des investissements moins importants au départ. De plus en plus d’éditeurs lancent des solutions, même incomplètes, pour ensuite lever des capitaux. On a plus affaire à des start-up, et ce n’est pas du tout la même philosophie, notamment en ce qui concerne la recherche de rentabilité”.

Quel faisceau d’indices pour identifier les éditeurs positionnés comme partenaires ?

Des éditeurs ayant rédigés des clauses contractuelles vous protégeant de leur concurrence

Experts-comptables : comment protéger vos intérêts face à vos partenaires logiciels ? Pour éviter que la solution logicielle envisagée ne devienne une source de concurrence, voici les mesures clés à envisager :

• Confidentialité des données clients

Assurez-vous que les données de vos clients sont protégées et ne peuvent être utilisées à d’autres fins sans votre accord

• Clauses de non-concurrence et de non-sollicitation de vos clients

Protégez-vous contre toute tentative de démarchage direct ou de concurrence par l’éditeur de la solution

• Propriété des données

Conservez la pleine propriété des données clients et assurez-vous de pouvoir les récupérer si vous changez de logiciel

• Accès et interactions avec vos clients

Limitez les possibilités pour l’éditeur d’interagir directement avec vos clients

 “Si un éditeur dispose de nos fichiers clients et qu’il en profite pour pousser directement ses offres, cela pose de nombreux problèmes” estiment de concert Hervé Puteaux et Jean Pascal Wanlin.

En prenant ces précautions, vous pouvez vous protéger tout en utilisant une solution logicielle pour améliorer votre efficacité sans craindre de perdre le contrôle de vos relations clients.

La structure capitalistique

Il existe toujours des éditeurs qui ont un rapport privilégié avec la profession, comme le démontrent notamment leur structure capitalistique.

“Certains d’entre eux ont une structure capitalistique détenue à plus de 60% par des confrères. Et ils continuent de se développer via des appels de fonds à la profession” indique Jean Pascal Wanlin.

La co-construction

“Il y a aussi des éditeurs qui s'appuient sur la profession pour développer les fonctionnalités de leurs outils” note Hervé Puteaux

On peut penser, même si ce n’est pas une règle absolue, que ces solutions logicielles ont intégré dans leur stratégie la notion de partenariat avec les métiers du chiffre.

Dans cette configuration, le système de tarification est souvent très favorable aux cabinets comptables.

Créer de la concurrence pour éviter la dépendance

Une autre problématique, un peu différente, mais finalement connexe, a alimenté l’actualité de la profession ces dernières semaines : celle de la dépendance à un outil.

“Certains éditeurs, qui souvent ont levé des fonds auprès d’acteurs purement financiers, cherchent uniquement à augmenter leur rentabilité, sans forcément tenir compte des impacts que cela peut avoir sur la profession” explique Jean Pascal Wanlin.

Pour y remédier, il n’existe pas de solution miracle : il faut créer les conditions d’une saine concurrence pour que le marché se régule.